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Writer's pictureTowanou Johannes

Sénégal : Diomaye Faye fait un remaniement inédit


Le Sénégal est témoin d'un remaniement judiciaire d'une ampleur inédite. Le vendredi 9 août 2024, le président Bassirou Diomaye Faye a initié une série de mutations stratégiques au sein des tribunaux du pays. Ces changements notables touchent particulièrement les magistrats ayant été impliqués dans l'affaire controversée dite "Sweet Beauty", qui avait secoué le pays en 2021, et qui concernait les accusations de viol contre l'ancien opposant, Ousmane Sonko.


Mutations importantes dans le système judiciaire


Oumar Maham Diallo, ancien doyen des juges d'instruction au tribunal de grande instance hors classe de Dakar, a été transféré à Tambacounda où il prendra les fonctions de président de chambre.


Quant à Abdou Karim Diop, l'ancien procureur de la république qui avait poursuivi Sonko pour des accusations allant de "l'association de malfaiteurs" au "vol", il est désormais avocat général à la cour d’appel de Tambacounda, accompagné de Mamadou Seck, ancien juge à Dakar.


Ces magistrats, ayant été au cœur de l'affaire "Sweet Beauty", sont désormais éloignés de Dakar, envoyés dans la région orientale du pays, à environ 500 km de la capitale, connue pour ses températures extrêmes en été.


L’Affaire "Sweet Beauty" : un retentissement national


L'affaire "Sweet Beauty" avait non seulement marqué la sphère judiciaire sénégalaise, mais aussi provoqué des tensions sociales majeures.


Les accusations de viol contre Ousmane Sonko, alors leader de l'opposition, avaient conduit à des émeutes meurtrières à travers le pays.


Malgré une condamnation pour "corruption de la jeunesse", Sonko avait toujours nié les faits, dénonçant une machination politique.


Ce remaniement judiciaire, initié par le président Bassirou Diomaye Faye, pourrait ainsi être perçu par certains comme un acte de revanche, surtout après l'ascension de Sonko au poste de Premier ministre.


Promotions stratégiques et nouveaux rôles


Parallèlement à ces mutations, certains magistrats ont été promus à des postes clés.


Sabassy Faye, par exemple, connu pour avoir plaidé en faveur de la réintégration de Sonko sur les listes électorales, quitte Ziguinchor pour prendre la présidence du tribunal de grande instance de Fatick, au centre du pays.


Cette promotion intervient dans un contexte où Sonko, désormais à la tête du gouvernement, semble renforcer son influence dans le paysage judiciaire.


Dissolution de la Crei : une nouvelle approche pour lutter contre la corruption


Dans un autre changement majeur, Bassirou Diomaye Faye a annoncé la dissolution de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), qui est remplacée par un pool judiciaire financier.


Cette nouvelle structure est composée de 27 magistrats, répartis en cinq groupes, sous la direction du procureur financier El Hadji Alioune Abdoulaye Sylla, ancien avocat général à la Cour suprême.


Leur mission principale sera de lutter contre la délinquance financière, un enjeu crucial pour l’assainissement des finances publiques au Sénégal.


Réactions politiques et stratégie du nouveau régime


Cette réorganisation de la magistrature, bien que saluée par certains comme un pas vers une justice plus efficace, suscite également des interrogations et des critiques.


L'Alliance pour la République (APR), le parti de l'ancien président, désormais dans l’opposition, exprime des craintes quant à une éventuelle chasse aux sorcières déguisée sous le prétexte de la reddition des comptes.


Pour eux, ce remaniement pourrait cacher des intentions moins nobles, visant à écarter certains magistrats jugés trop indépendants.


Toutefois, l'analyse de ces mouvements révèle une stratégie plus large du nouveau régime.


En réaffectant des magistrats liés à des dossiers sensibles et en promouvant des figures perçues comme alignées avec les nouvelles orientations politiques, Bassirou Diomaye Faye semble vouloir renforcer son emprise sur l'appareil judiciaire.


Ces mutations peuvent être vues comme une tentative de neutraliser l'opposition judiciaire potentielle, assurant ainsi un contrôle accru de la justice par l'exécutif.


Indépendance judiciaire en question


Le débat autour de l'indépendance de la justice sénégalaise refait surface avec ces décisions.


Ibrahima Hamidou Deme, ancien magistrat et candidat malheureux à la présidentielle, a souligné la nécessité de la reddition des comptes, mais s’est dit préoccupé par l’influence de l'exécutif sur la carrière des magistrats.


Ce remaniement est perçu par certains comme un coup porté à l’autonomie du pouvoir judiciaire, un pilier pourtant essentiel de la démocratie.


Réponse de la présidence : un message clair


Face à ces critiques, le porte-parole de la présidence, Ousseynou Ly, a répondu avec une pointe d’ironie.


Dans un tweet, il a affirmé que si certains voyaient dans ces mutations une "chasse aux sorcières", c'est peut-être parce qu'ils se considéraient eux-mêmes comme des "sorcières".


Une réponse qui reflète la détermination du gouvernement à poursuivre les réformes engagées, malgré les objections de l’opposition.


Au final, ces mutations et réorganisations laissent entrevoir une volonté claire de réorienter la justice sénégalaise, mais elles soulèvent également des questions fondamentales sur l'indépendance de cette institution clé dans le pays.

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