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L’éventualité d’une adhésion du Togo à l’Alliance des États Souverainistes (AES) suscite un vif débat dans la région. Tandis que Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères, a déclaré que "les Togolais répondraient oui à une entrée du Togo dans l'AES", le professeur Théodore Holo, ancien ministre béninois des Affaires étrangères, a livré une analyse approfondie, mettant en lumière les enjeux économiques, politiques et historiques de cette décision.
Une opportunité stratégique pour le Togo
Le professeur Holo évoque d’abord les intérêts économiques et politiques qui pourraient motiver le Togo à rejoindre l’AES.
"Vous savez que pour le moment, étant donné que le port de Cotonou est fermé au commerce avec le Niger, le port de Lomé sert de solution de rechange. De ce point de vue, il y a un intérêt économique, et peut-être même politique, pour le Togo d'intégrer l'AES."
Cette position est renforcée par le contexte actuel de l’AES, perçue comme une alternative aux exigences démocratiques de la CEDEAO :
"Au niveau de la CEDEAO, il y a des convergences politiques mettant l'accent sur la démocratie, convergences acceptées par la plupart des pays anglophones, quelques pays francophones, le Togo n'en faisant pas partie."
Toutefois, l’ancien ministre reste prudent :
"On attend la décision du président Faure, comme l'a rappelé le ministre des Affaires étrangères."
La souveraineté face à la globalisation
Selon Théodore Holo, l’idée de souveraineté portée par l’AES doit être nuancée dans un monde interdépendant.
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"Je crois que les États souverainistes doivent savoir que nous sommes dans un monde globalisé. Je constate que beaucoup de ces États, tout en rejetant la présence militaire française, initient une coopération militaire avec d'autres pays tels que la Russie. La souveraineté, c'est de défendre ses intérêts."
Il souligne également l’importance historique de la CEDEAO dans la gestion des crises régionales :
"Cette intégration a montré son intérêt pour la défense des intérêts de la sous-région à travers des solutions politiques. Quand je prends la situation dans les années 90 au Liberia, en Sierra Leone et quelquefois en Gambie, c'est la détermination des États anglophones qui a permis d'arriver à une situation qui mettra fin à la guerre civile."
Sankara : un souverainiste au cœur de l’intégration
Théodore Holo cite l’exemple de Thomas Sankara pour illustrer que la souveraineté peut coexister avec l’intégration régionale.
"Je crois que quelqu'un comme Sankara était très souverainiste, mais n'a jamais décidé de quitter la CEDEAO ni l'Union africaine."
Sous Sankara, le Burkina Faso avait affirmé son indépendance tout en jouant un rôle actif dans les instances africaines.
L’ancien président burkinabè, fervent défenseur de l’autodétermination, voyait en la coopération régionale un moyen d’amplifier la voix des pays africains sur la scène internationale.
Cette vision, selon Holo, contraste avec celle de certains pays membres de l’AES, où "l’alternance n’est pas encore une évidence."
La CEDEAO, un outil vraiment "instrumentalisé" ?
Pour Holo, accuser la CEDEAO d’être un "valet de la France" relève d’un raccourci.
"Je ne pense pas que la France, elle seule, puisse imposer son point de vue. Quand j'étais ministre des Affaires étrangères dans les années 90 et que nous discutions des questions de la CEDEAO, je n'avais pas l'impression que la France s'immisçait dans les activités que nous menions."
Il réfute également l’idée d’une instrumentalisation par Paris :
"Si la France s'est opposée à la CEDEAO, ça ne veut pas dire que la CEDEAO est devenue un laquais ou un valet de la France. Ce qui montre que la CEDEAO est capable de défendre ses propres intérêts en tenant compte des exigences de convergence."
Le blocage sur la démocratie et les mandats
Une divergence majeure entre les pays membres de la CEDEAO et ceux de l’AES réside dans la limitation des mandats, un principe central des exigences démocratiques de la CEDEAO.
"La limitation des mandats est un élément de convergence au niveau de la CEDEAO qui fait blocage, parce qu'il y a des pays comme le Togo qui s'étaient opposés à cette limitation des mandats."
Ce rejet alimente les tensions idéologiques et accentue la fracture entre la CEDEAO et les membres de l’AES comme le Mali et le Burkina Faso.
"C’est sur la base de ce refus que des pays comme le Mali, comme le Burkina Faso se sont retirés aujourd’hui de leur communauté."
Quelle voie pour le Togo ?
Pour Holo, une adhésion du Togo à l’AES refléterait autant des intérêts économiques que des affinités idéologiques.
"C’est une évidence de mon point de vue en tenant compte de ce qu’aujourd’hui, dans ces pays, nous sommes dans des régimes où l’alternance n’est pas encore une évidence. Donc il y a cet élément de convergence idéologique qui peut expliquer cette proximité."
Cependant, il insiste sur les l’importance de défendre les intérêts collectifs à travers une intégration régionale solide. Il rappelle que:
"être souverain, c'est prendre les décisions qui s'imposent en tenant compte des intérêts de son pays, et non pas des intérêts de la classe gouvernante."
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