Un tournant historique vient d’être franchi au Niger. Le décret de promulgation de la Charte de la refondation, publié récemment au Journal Officiel, marque un changement radical dans l'organisation linguistique du pays. L'article 12 de ce texte fondateur, qui remplace la Constitution suspendue après le coup d’État du 26 juillet 2023, désigne désormais le haoussa comme langue nationale, reléguant le français au simple rang de langue de travail.
Le haoussa, langue du peuple
Parlé par la majorité des Nigériens et compris sur l'ensemble du territoire, le haoussa s’impose naturellement comme un vecteur d’unité nationale.
Ce choix répond aux recommandations des assises nationales de février dernier, qui visaient à refonder en profondeur l’identité du pays.
D’après les spécialistes, le haoussa bénéficie d’un enracinement culturel fort et d’une capacité de mobilisation linguistique importante.
Il est utilisé dans le commerce, les médias, et dans de nombreuses interactions sociales quotidiennes.
La fin de l’hégémonie française
Jusqu’ici, le français, langue parlée par seulement 13 % de la population, conservait son statut de langue officielle, hérité de l’époque coloniale.
Ce n’est désormais plus le cas. Dans un contexte de rupture assumée avec Paris, ce changement linguistique symbolise une volonté politique forte.
Celle de se détacher des structures héritées de la colonisation pour réaffirmer une souveraineté culturelle et identitaire.
Le mois dernier déjà, le Niger a quitté l’Organisation internationale de la Francophonie, et plusieurs rues de Niamey ont été débaptisées pour effacer les traces symboliques de la domination française.
Un débat sensible en toile de fond
Ce changement ne fait cependant pas l’unanimité. Certains internautes et observateurs s’interrogent : la mise en avant du haoussa pourrait-elle marginaliser les autres langues nationales ?
Dans l’ancienne Constitution, toutes les langues des communautés nigériennes étaient placées sur un pied d’égalité.
Désormais, seul le haoussa bénéficie d’un statut supérieur. Des voix craignent l’émergence d’un déséquilibre communautaire ou d’un sentiment d’exclusion parmi les locuteurs du zarma-songhaï, du kanouri, du tamajaq ou d’autres langues nationales.
Une réforme à suivre de près
Les retombées concrètes de cette décision sur l'administration, l'éducation ou la justice restent encore floues.
Le passage du français à une langue nationale dans les instances officielles nécessitera des ajustements majeurs : traductions, formations, adaptation des manuels scolaires et des supports administratifs.
Les défis sont nombreux, mais les autorités semblent déterminées à aller jusqu’au bout de ce processus de « décolonisation linguistique ».
La réforme linguistique enclenchée par le CNSP est donc bien plus qu’un simple changement de terminologie.
Elle reflète une nouvelle ère, celle d’un Niger qui veut parler sa propre langue, au sens propre comme au figuré.
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