Mali : nouveau casse-tête pour le régime d'Assimi Goïta
La guerre au Mali, qui dure depuis plus d'une décennie, vient de franchir un nouveau palier technologique avec l’introduction des drones par les rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP). Longtemps dominée par une lutte au sol et des interventions aériennes menées par les forces maliennes et leurs alliés russes du groupe Wagner, cette évolution marque une rupture stratégique dans le conflit.
Les drones, nouvel atout stratégique des rebelles
Déployés pour la première fois fin juillet 2024, ces drones ont été utilisés par les forces rebelles lors d’une offensive réussie contre les troupes maliennes et leurs alliés de Wagner.
Selon des sources locales, cette première frappe, bien que modeste en termes de moyens, a permis aux insurgés de prendre le dessus sur une position stratégique de l'armée à Tinzaouatène, dans le nord du pays.
Cette victoire a donné un coup de projecteur sur l’usage des drones dans ce conflit, une innovation qui pourrait bouleverser les dynamiques de la guerre au Mali.
Les drones, bien que peu nombreux selon les déclarations des rebelles, jouent désormais un rôle central dans la stratégie militaire du CSP.
Ces appareils aériens permettent aux insurgés de cibler des positions ennemies avec une précision jusque-là inaccessible, et ainsi de compenser leur infériorité numérique et matérielle.
Le 11 septembre 2024, lors d’une nouvelle attaque sur un camp militaire près de Goundam, à une centaine de kilomètres de Tombouctou, les drones ont été à nouveau mis en action.
Bien que les dommages matériels soient restés limités, l'incident confirme que les rebelles continuent de perfectionner leur maîtrise de cette technologie.
Un mystère plane sur l’acquisition des drones
Le CSP est resté volontairement vague sur la manière dont il s’est procuré ces drones.
Mohamed el Maouloud Ramadane, porte-parole des rebelles, a néanmoins affirmé qu’ils n’ont reçu d’aide ni de l’Ukraine ni de groupes djihadistes comme le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (Jnim).
Cependant, la question de leur provenance reste entière. Si l’on sait que les drones jouent un rôle croissant dans les conflits modernes, notamment en Afrique, les spéculations vont bon train quant à leurs sources d’approvisionnement.
Quoi qu’il en soit, l’intégration de cette technologie a nécessité plusieurs mois d'entraînement pour les forces du CSP.
La complexité du pilotage de drones militaires, associée aux besoins logistiques pour les entretenir, démontre l'investissement tactique consenti par les rebelles.
Cette montée en compétence pourrait rendre ces appareils de plus en plus redoutables dans le cadre du conflit.
D’ailleurs, l’un des drones des insurgés aurait été capturé par l’armée malienne lors d'une opération, bien que cette information n’ait pas été confirmée officiellement.
Forces maliennes et Wagner : un nouvel adversaire à craindre
Du côté de l'armée malienne et de ses supplétifs russes, l’introduction des drones par les rebelles n’est pas prise à la légère.
Depuis décembre 2022, les Forces armées maliennes (Fama) ont elles-mêmes intégré des drones dans leur arsenal, notamment les Bayraktar TB2, une technologie fournie par la Turquie.
Ces drones armés, réputés pour leur efficacité, ont largement contribué aux succès militaires du Colonel Assimi Goïta et de ses hommes, en particulier lors de la reprise de Kidal en novembre 2023, une région stratégique longtemps sous le contrôle des rebelles.
Cependant, cette supériorité technologique a aussi entraîné son lot de controverses. En effet, les frappes menées par ces drones ont parfois manqué de précision, entraînant des victimes civiles.
Vers une militarisation accrue du conflit
L’introduction des drones par les deux camps ouvre un nouveau chapitre dans la guerre au Mali, où la supériorité aérienne ne sera plus seulement du côté des forces maliennes et de Wagner.
Si, jusqu’ici, cette domination aérienne permettait aux Fama de mener des frappes stratégiques et d’écraser les offensives rebelles, la donne pourrait changer avec l'arrivée des drones du CSP.
Ces appareils, bien que peu nombreux pour le moment, offrent aux insurgés la possibilité de frapper avec précision et de mener des opérations plus sophistiquées.
L’utilisation croissante des drones, autant par les forces régulières que par les rebelles, soulève cependant des inquiétudes pour les populations civiles.
En effet, si ces appareils permettent des attaques plus ciblées et réduisent le besoin d’engager des troupes au sol, ils augmentent aussi les risques de bavures.
Dans un conflit aussi complexe que celui du Mali, où les frontières entre groupes armés, civils et militaires sont parfois floues, la multiplication des frappes de drones pourrait aggraver la situation humanitaire.
Alors, une question subsiste : comment les rebelles sont-ils capables de s'approprier ce genre de technologies et qui leur fournit les moyens pour ?
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