Mali : les intentions d'Assimi Goïta désormais claires
Le 15 novembre 2024, Koulouba a été le théâtre d’une cérémonie historique marquée par l’attribution de distinctions honorifiques, présidée par le Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta, Grand Maître des Ordres nationaux. Cet événement prestigieux a mis en lumière les efforts exceptionnels d’individus venus de divers horizons qui, par leur travail et leur engagement, incarnent les valeurs fondamentales de la refondation du Mali : l'excellence, la solidarité, le leadership et la dignité.
Célébration de la bravoure et de l'engagement
Dans son discours d’ouverture, le Général de brigade Amadou Sagafourou Gueye, Grand Chancelier des Ordres nationaux, a salué la vision et l'engagement indéfectible du Président Goïta, récemment promu au grade de Général d’armée.
Cette élévation, a-t-il souligné, témoigne de la détermination du Chef de l’État dans la reconquête de la souveraineté nationale et dans l’édification d’un Mali plus fort.
Les distinctions ont été décernées à des personnalités provenant de la politique, de la culture, et de l’administration, dont les actions contribuent de manière significative à la construction d'un Mali stable et prospère.
Parmi les récipiendaires de la médaille de Grand Officier de l’Ordre National, on retrouve des figures emblématiques telles que le Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maïga, le Général Malick Diaw, Président du Conseil national de Transition, ainsi que Mme Sanogo Aminata Malle, Médiateur de la République.
Dans la catégorie des Grands Commandeurs, des artistes de renom, dont Nahawa Doumbia et Naini Diabaté, ont été honorés pour leur impact culturel et leur contribution à l’unité nationale.
Par ailleurs, des membres influents du gouvernement et de la présidence, tels que Dr Alfousseyni Diawara, ministre Secrétaire Général de la Présidence, ont également reçu des distinctions, témoignant de l’importance accordée à leur rôle dans le développement du pays.
Une stratégie politique derrière la cérémonie de Koulouba ?
L’attribution des distinctions honorifiques par le Président Assimi Goïta, en particulier la promotion de nombreux acteurs politiques, militaires et culturels, semble marquer un tournant dans la consolidation de son pouvoir.
En reconnaissant publiquement les mérites de ses alliés et partenaires, Goïta renforce son autorité, non seulement sur le plan militaire, mais aussi au sein de la sphère politique civile.
Cependant, au-delà des symboles de reconnaissance, cette cérémonie soulève des questions sur les intentions politiques sous-jacentes.
Alors que le pays traverse une période de fragilité sécuritaire, l'accent mis sur la valorisation des figures publiques proches du régime pourrait être interprété comme une préparation discrète à des objectifs plus ambitieux, notamment en vue de l’élection présidentielle à venir.
Consolidation du pouvoir militaire et politique
Depuis le coup d'État de 2020, le pouvoir militaire a progressivement consolidé sa position, et la montée en grade de Goïta, récemment élevé au rang de Général d’armée, s'inscrit dans cette dynamique.
À travers ces promotions militaires, il s’entoure de loyalistes, assurant ainsi une base de soutien solide au sein de l'armée. Cependant, les récipiendaires ne se limitent pas aux seuls militaires.
Les personnalités politiques et civiles, comme le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga ou des figures de la culture, ont également été honorées, témoignant de l’importance de Goïta pour un large éventail d’acteurs.
Ces promotions visent à renforcer un réseau de loyauté diversifié, indispensable dans un contexte où les défis sécuritaires restent omniprésents.
C’est un message clair : Goïta cherche à solidifier sa position en s’assurant d’une légitimité aussi bien militaire que civile, un préalable essentiel si l’on considère ses ambitions futures.
Une candidature présidentielle en préparation ?
L’appel des légitimités traditionnelles à soutenir la candidature d'Assimi Goïta à la présidentielle de 2025, diffusé lors de la journée des légitimités traditionnelles le 11 novembre 2024, vient renforcer cette hypothèse.
Pour la première fois, des chefs de villages et de fractions, normalement neutres politiquement, ont publiquement appelé Goïta à se porter candidat.
En 2022, la transition avait déjà accordé un statut particulier aux légitimités traditionnelles, renforçant leur rôle dans la préservation de la paix et la réconciliation nationale.
En retour, Goïta semble obtenir le soutien des figures de ces légitimités, renforçant ainsi son assise politique.
L’appel à sa candidature, couplé aux récompenses de ses alliés, semble indiquer que le Général pourrait se préparer à un affrontement politique de grande envergure, avec un fort soutien des acteurs traditionnels du pays.
Une cérémonie face aux défis sécuritaires du pays
Si la cérémonie de Koulouba et les promotions qui l’ont accompagnée témoignent d’une volonté de renforcer le soutien institutionnel de Goïta, elles soulignent également un contraste frappant avec la réalité sécuritaire du Mali.
Alors que les régions du centre, du nord et du sud du pays continuent de subir les attaques des groupes armés, l’image projetée lors de la cérémonie semble déconnectée des préoccupations immédiates des populations.
Ce décalage pourrait alimenter un sentiment de déconnexion entre les autorités et les citoyens, qui attendent des résultats concrets sur le terrain, notamment en matière de sécurité.
En parallèle, les récipiendaires de ces distinctions se retrouvent dans une position délicate : leur loyauté renforcée envers Goïta pourrait être perçue comme une réponse à une logique de soutien politique, plus qu’à un véritable progrès sur le front sécuritaire.
La consolidation du pouvoir par la distribution de titres semble être une stratégie pour détourner l’attention des échecs sécuritaires, tout en préparant le terrain pour les futures échéances électorales.
Le rôle de l’unité nationale dans la transition
Si les distinctions honorifiques et les appels à la candidature de Goïta sont des éléments importants dans la stratégie politique du Mali, il convient aussi de souligner que l'unité nationale demeure un enjeu primordial.
Le soutien des légitimités traditionnelles et des figures politiques et militaires semble constituer une plateforme pour bâtir un consensus autour de la transition.
Toutefois, l’absence de chronogramme électoral clair et la persistance des défis sécuritaires risquent de freiner la crédibilité de ce processus aux yeux de la population.
Goïta semble donc jouer un jeu politique à plusieurs niveaux, où la consolidation des soutiens internes (militaires, politiques et traditionnels) pourrait bien être une étape clé dans ses ambitions pour l’élection présidentielle à venir.
Cependant, ces efforts pour légitimer son autorité devront s’accompagner de résultats tangibles sur le terrain, sous peine de renforcer la perception d’un régime qui privilégie le symbolisme au détriment de la gestion des crises immédiates.
Comments