Guinée : Mamadi Doumbouya, les honneurs avant les actes ?
En Guinée, la figure du président de transition Mamadi Doumbouya continue de cristalliser l'attention. Trois ans après le coup d'État de 2021, celui qui a d’abord accédé au pouvoir en tant que colonel est aujourd'hui général d’armée, un grade suprême qu'il s’est octroyé à l'occasion du 66e anniversaire des forces armées guinéennes, par un décret signé de sa main. Ce geste suscite de vives interrogations dans les rues de Conakry et au-delà : cette quête d’honneurs militaires masque-t-elle un désintérêt pour les réformes promises en matière de sécurité et de développement ?
Une ascension fulgurante qui fait débat
La trajectoire de Doumbouya est fulgurante. De colonel, il a été promu général de corps d'armée en janvier 2024, avant de se hisser en octobre à la position la plus élevée de la hiérarchie militaire guinéenne.
Ce geste, bien que symbolique, semble marquer un renforcement de son pouvoir personnel, en dépit des engagements pris de conduire une transition pacifique et démocratique.
Pour une partie de la population, ce cumul de titres et d’honneurs commence à semer le doute. « On nous avait promis un redressement du pays, mais tout ce qu’on voit, ce sont des gradations militaires et des annonces », déplore un habitant de Conakry.
Le scepticisme grandit quant à la sincérité de la junte et sa capacité à répondre aux véritables attentes de la population.
Une purge politique qui interroge
En parallèle, le gouvernement de transition a récemment frappé un grand coup dans le paysage politique en suspendant ou dissolvant cette semaine, près de 50 % des partis du pays.
Une vaste opération de contrôle initiée en juin a révélé que la moitié des 174 formations politiques examinées présentaient des irrégularités administratives ou financières, aboutissant à une série de suspensions et de dissolutions.
Le ministère de l'Administration du territoire justifie cette opération comme un « nettoyage » pour renforcer la transparence.
Pourtant, cette décision a été interprétée par les partis politiques et nombre d'observateurs comme une stratégie de la junte pour écarter les partis d'opposition et consolider davantage son emprise sur le pays, ajoutant aux inquiétudes sur un possible glissement vers l’autoritarisme.
Ajouté à cela, les principaux opposants guinéens dont Cellou Dalein Diallo ou encore Sidya Touré sont tous en exil, disant craindre pour leur sécurité dans le pays.
La communauté internationale, ainsi que de nombreux observateurs locaux, se montrent préoccupés par ce recentrage du pouvoir, qui pourrait compromettre l'équilibre politique promis lors de la transition.
Militaires et pouvoir : la promesse de changement en question
Ces récents événements soulèvent une question fondamentale : les militaires au pouvoir en Guinée sont-ils plus intéressés par les titres et la consolidation de leur autorité que par les réformes attendues en matière de sécurité et de développement ?
Pour de nombreux Guinéens, l’attente de changements concrets se heurte à une administration qui semble privilégier les démonstrations de pouvoir.
Alors que les besoins en infrastructures, en éducation et en sécurité demeurent criants, le peuple guinéen s’interroge : la junte militaire au pouvoir tiendra-t-elle un jour ses promesses de réformes, ou se contentera-t-elle d’accumuler les honneurs ?
Dans un contexte où le climat politique se durcit, les perspectives de démocratie et de développement paraissent de plus en plus fragiles.
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