L’Afrique semble incapable de rompre avec ses vieux démons. Les transitions politiques, censées ouvrir la voie à une gouvernance nouvelle et démocratique, finissent presque toujours par être récupérées par ceux qui étaient censés préparer l’avenir.
L’annonce de la candidature du général Brice Clotaire Oligui Nguema à la présidentielle du 12 avril 2025 au Gabon en est une énième démonstration.
En déclarant que « l'Esprit Saint m'a parlé » et qu’il a « répondu après mille réflexions et en réponse à vos nombreux appels », Oligui Nguema reprend une rhétorique classique des dirigeants africains : celle du messianisme politique.
Il ne se présente pas comme un homme avide de pouvoir, mais comme un "élu" porté par la volonté divine et la clameur populaire.
Mais derrière ces mots bien calibrés se cache une réalité immuable : la transition gabonaise, comme tant d’autres avant elle, n’était qu’un passage de témoin à soi-même.
Transition ou mise en scène pour conserver le pouvoir ?
L’histoire politique africaine regorge d’exemples où des putschistes, venus au pouvoir avec la promesse d’un renouveau, finissent par verrouiller le système à leur avantage.
Au Gabon, après avoir renversé Ali Bongo en août 2023 sous prétexte de mettre fin à une dynastie politique, Oligui Nguema semblait incarner une alternative.
Mais deux ans plus tard, il annonce sa candidature à l’élection présidentielle, prouvant que la transition n’était qu’un détour, et non une rupture avec l’ancien régime.
Dans ce schéma, le cycle de domination ne fait que se répéter : une élite s’empare du pouvoir, promettant le changement, avant d’enclencher une mécanique visant à prolonger sa propre hégémonie.
Les structures sont certes modifiées en surface, mais au fond, l’objectif reste le même : rester aux commandes.
L’Afrique n’est pas prête au sacrifice
Le problème central, au Gabon comme ailleurs en Afrique, est l’incapacité des élites politiques à se sacrifier pour l’intérêt général.
Une véritable transition suppose des dirigeants prêts à s’effacer après avoir posé les bases d’un système démocratique stable.
Mais combien sont réellement disposés à abandonner les privilèges du pouvoir ? Très peu.
Oligui Nguema, au lieu d’organiser une transition véritablement neutre, choisit de capitaliser sur sa position de chef de l’État pour préparer sa propre élection.
Ce comportement est symptomatique d’une Afrique politique où le pouvoir est perçu comme un bien personnel et non comme une mission temporaire.
En réalité, ce ne sont pas les institutions qui manquent à l’Afrique, mais des hommes et des femmes capables d’incarner un véritable changement.
Les discours de rupture sont omniprésents, mais l’esprit de sacrifice est inexistant.
Une culture du "manger" qui bride le développement
Ce refus de lâcher le pouvoir est également lié à une culture politique où gouverner signifie avant tout "manger".
Le pouvoir est considéré comme un moyen d’accès aux ressources, et non comme une responsabilité envers la nation.
Lorsqu’Oligui Nguema parle de « rendre possible tout ce que nous disons ici », il fait appel à une rhétorique populiste où l’homme providentiel incarne la solution à tous les problèmes.
Mais cette vision occulte un fait majeur : la démocratie ne repose pas sur un individu, aussi charismatique soit-il, mais sur des institutions solides et inclusives.
Or, en Afrique, le pouvoir est souvent confisqué par une caste qui ne pense qu’à sa propre survie politique et économique.
La transition gabonaise aurait pu être une occasion unique de mettre en place des bases solides pour une alternance démocratique réelle.
Mais à l’instar de nombreuses autres transitions sur le continent en ce moment, elle s’est transformée en une course vers l’enracinement d’un nouvel homme fort.
Le Gabon face à un choix décisif
L’annonce de la candidature d’Oligui Nguema pose donc une question fondamentale : le Gabon va-t-il réellement entrer dans une nouvelle ère ou simplement remplacer un règne par un autre ?
La population gabonaise, qui a déjà vécu plus de 50 ans sous la domination de la famille Bongo, est-elle prête à accepter une nouvelle mainmise sur le pouvoir ?
L’histoire récente de l’Afrique montre que le peuple finit toujours par se réveiller.
Si Oligui Nguema suit la voie des dirigeants qui se sont éternisés au pouvoir sous prétexte de stabilité et de continuité, il risque tôt ou tard de faire face à un rejet populaire massif.
Mais au-delà du Gabon, c’est toute l’Afrique qui doit s’interroger : pourquoi nos transitions finissent-elles toujours en trahison ?
Pourquoi nos leaders refusent-ils de céder la place ? Tant que cette mentalité ne changera pas, l’Afrique continuera à tourner en rond, incapable de sacrifier ses ambitions personnelles pour bâtir un avenir réellement démocratique et prospère.
Comments