top of page

Du père au fils : l’héritage des Gnassingbé au Togo

Writer's picture: Towanou JohannesTowanou Johannes
Gnassingbé Eyadema / Faure Gnassingbé


Ce jour 5 février 2025, cela fait exactement 20 ans que Gnassingbé Eyadéma s’est éteint, laissant derrière lui un Togo marqué par près de quatre décennies de règne sans partage. Deux décennies plus tard, son fils, Faure Gnassingbé, est toujours à la tête du pays, perpétuant un système politique hérité du patriarche. Des cérémonies sont prévues pour commémorer celui qui a dirigé le pays sur près de quatre décennies. Entre mainmise sur les institutions, réformes économiques et manœuvres constitutionnelles, l’héritage des Gnassingbé demeure plus que jamais une réalité politique au Togo.


Gnassingbé Eyadéma : l’ascension d’un militaire devenu chef d’État à vie


L’histoire politique du Togo contemporain est indissociable du nom de Gnassingbé Eyadéma, celui qui a façonné l’appareil d’État et structuré un régime autoritaire d’une longévité rare sur le continent africain.

Gnassingbé Eyadema / Ancien Président du Togo

Né en 1935 à Pya, dans le nord du pays, Eyadéma commence sa carrière militaire très jeune, intégrant l’armée coloniale française dès l’âge de 16 ans.


Il participe aux guerres d’Indochine et d’Algérie, expériences qui renforcent son sens de la discipline et son goût pour l’ordre et la rigueur.


De retour en Afrique, il se fait remarquer par ses supérieurs et gravit rapidement les échelons, devenant l’un des officiers les plus influents de l’armée togolaise après l’indépendance du pays en 1960.


À partir de 1963, il joue un rôle clé dans le coup d’État qui renverse le premier président togolais, Sylvanus Olympio, et permet l’installation de Nicolas Grunitzky au pouvoir.


Mais Eyadéma n’entend pas rester dans l’ombre. Quatre ans plus tard, en 1967, il mène un nouveau putsch, cette fois contre Grunitzky lui-même, s’autoproclamant président.


Dès lors, il verrouille totalement la vie politique du pays, installe un régime à parti unique sous la bannière du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) et met en place une gouvernance basée sur la répression et la surveillance des opposants.


Pendant 38 ans, il dirige le Togo d’une main de fer, consolidant progressivement son pouvoir et instaurant un système où l’État et sa personne ne font qu’un.


Un règne marqué par un culte de la personnalité et une répression féroce


Dès son accession au pouvoir, Eyadéma met en place une propagande massive visant à renforcer son image de leader providentiel.


Son portrait devient omniprésent dans les administrations, les écoles et les lieux publics, tandis que des chansons et des slogans sont répétés inlassablement par les médias d’État.


Le culte de la personnalité atteint son apogée en 1974, lorsqu’il survit miraculeusement à un crash d’avion.


À partir de cet événement, il se présente comme un homme invincible, protégé par des forces surnaturelles, une rhétorique qui le rapproche de certains dictateurs africains de l’époque.


Mais derrière cette mise en scène, Eyadéma gouverne par la force et la peur. Toute opposition est écrasée dans le sang, les opposants politiques sont exilés ou emprisonnés, et les médias indépendants sont muselés.


Des organisations internationales dénoncent régulièrement les violations des droits humains, mais la proximité du régime avec la France, qui voit en Eyadéma un allié stratégique en Afrique de l’Ouest, lui assure une forme d’impunité.


Grâce à ce soutien, il parvient à se maintenir au pouvoir jusqu’à sa mort en 2005, malgré des tentatives de soulèvements et une contestation grandissante au tournant des années 1990.


La disparition d’Eyadéma et une succession taillée sur mesure


Le 5 février 2005, Gnassingbé Eyadéma succombe à une crise cardiaque. Son décès plonge le pays dans une période de turbulences politiques majeures.


La Constitution prévoyait que le président de l’Assemblée nationale prenne l’intérim en attendant de nouvelles élections, mais l’armée, fidèle à la famille Gnassingbé, en décide autrement.

Faure Gnassingbé / Président du Togo

Dans une manœuvre brutale, les forces armées imposent Faure Gnassingbé comme successeur, déclenchant une vague d’indignation et des protestations massives à travers le pays.


Face aux pressions internationales, Faure Gnassingbé est contraint de démissionner temporairement, mais il revient rapidement sur le devant de la scène en remportant l’élection présidentielle du 24 avril 2005.


Ce scrutin, marqué par de graves violences post-électorales ayant causé plus de 500 morts selon l’ONU, assoit son autorité, bien que dans un climat de contestation généralisée.


Dès lors, Faure Gnassingbé entame son règne en adoptant une posture plus modérée que son père, mais en consolidant progressivement les bases d’un pouvoir autoritaire modernisé.


Un pouvoir renforcé par des modifications constitutionnelles fréquentes


Contrairement à son père, Faure Gnassingbé ne mise pas uniquement sur la force brute pour se maintenir au pouvoir.


Il adopte une approche plus subtile, utilisant les réformes constitutionnelles comme principal levier de conservation du pouvoir.


En 2019, il fait adopter une réforme limitant les mandats présidentiels à deux, mais en excluant ses mandats précédents du décompte, ce qui lui permet de se représenter en 2020 sans entrave légale.


Cette élection, remportée officiellement avec plus de 70 % des voix, est à nouveau contestée par l’opposition, qui dénonce des fraudes massives et une répression accrue des militants.


Mais c’est en 2024 que Faure Gnassingbé réalise la modification la plus radicale.


Il fait voter une réforme abolissant l’élection présidentielle au suffrage universel direct et instaurant un système parlementaire où le chef de l’État est désormais désigné par les députés et sénateurs.


Étant donné que le Parlement est dominé par son parti, cette réforme lui garantit pratiquement un maintien au pouvoir sans passer par l’épreuve des urnes.


Cette décision est vivement critiquée par la société civile et l’opposition, qui y voient une manœuvre flagrante pour éliminer toute possibilité d’alternance démocratique.


Les réformes économiques : entre modernisation et inégalités persistantes


Si le régime de Faure Gnassingbé est marqué par des manœuvres politiques habiles, il s’est également distingué par des réformes économiques ambitieuses, notamment dans le secteur portuaire, stratégique pour l’économie togolaise.


Le Port autonome de Lomé (PAL) a bénéficié d’investissements massifs visant à en faire un hub logistique régional.


Grâce à des partenariats avec des géants du transport maritime comme MSC et Bolloré, le port est devenu l’un des plus dynamiques d’Afrique de l’Ouest, surpassant même ses voisins, Cotonou et Tema, en matière de volume de conteneurs traités.


Cette modernisation a permis d’augmenter considérablement les revenus du port, qui est aujourd’hui l’un des principaux contributeurs au PIB national.


D’autres secteurs ont également connu des avancées notables :

L’électrification rurale a été renforcée avec la construction de centrales solaires, permettant d’augmenter le taux d’accès à l’électricité en milieu rural.

Le réseau routier a été modernisé, facilitant les échanges commerciaux et renforçant les connexions entre Lomé et l’hinterland ouest africain.

Des réformes fiscales ont permis d’améliorer la collecte des impôts, réduisant certaines pertes liées à la corruption.


Cependant, ces avancées économiques ne profitent pas équitablement à toute la population.


Le chômage des jeunes reste élevé, les inégalités sociales persistent et la corruption continue d’être un frein majeur au développement.


Un pouvoir dynastique solidement enraciné


Après 58 ans de domination Gnassingbé, l’alternance politique au Togo semble plus que jamais hypothétique.


Si Faure Gnassingbé a su moderniser certains aspects de la gouvernance, il a surtout consolidé un système où le pouvoir reste dans les mains de la même famille, repoussant toute possibilité de changement démocratique.


À travers des réformes taillées sur mesure, il s’est assuré une présidence quasi-perpétuelle, confirmant que l’héritage d’Eyadéma demeure plus vivant que jamais.



Comments


Abonnez-vous à notre Newsletter

Qui sommes nous?

Bienvenue sur Actualités Express !
Notre équipe de passionnés s'engage à fournir une information rapide, fiable et des analyses approfondies pour vous tenir informé(e) sur les événements qui façonnent notre monde. Fondé en 2023, Actualités Express a pour vision, mission et valeurs de vous fournir des informations en toute objectivité et impartialité, des analyses approfondies, tout ceci dans la transparence éditoriale et le respect des standards éthiques. Mise à jour régulière, accessibilité et facilité d’utilisation vous attendent sur Actualités Express. Aussi sommes-nous ouverts à une interaction avec la communauté tout en veillant à l’éducation et la sensibilisation. 
Nous sommes reconnaissants de votre confiance et nous vous invitons à explorer notre site pour découvrir la différence Actualités Express.

Politique

Sports

Coaching

Economie

Sciences et technologies

Culture et divertissement

Société

© 2023 AEI. Conception digimag.bj

bottom of page