Bénin : de l'urgence de revoir les choix stratégiques face au terrorisme
L’attaque meurtrière perpétrée ce 8 janvier 2025 au point triple, une zone stratégique à la frontière entre le Bénin, le Niger et le Burkina Faso, marque un tournant pour le Bénin dans sa lutte contre le terrorisme. Revendiquée par le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), cette offensive, la plus sanglante jamais enregistrée par le pays, met en lumière les défis sécuritaires auxquels le Bénin est confronté et suscite des interrogations sur ses choix stratégiques en matière de coopération militaire.
Une attaque qui révèle les failles d’une guerre asymétrique
L’assaut, qui a duré environ huit heures, a ciblé une position hautement militarisée dans le Parc W, une vaste réserve naturelle partagée entre le Bénin, le Niger et le Burkina Faso.
Malgré des équipements modernes, tels que des drones d’observation et un dispositif internet de communication, les forces béninoises n’ont pas pu empêcher cette attaque coordonnée.
Cette situation illustre les limites du matériel militaire dans une guerre asymétrique, où des groupes armés mobiles et imprévisibles exploitent la porosité des frontières.
Les assaillants auraient traversé les zones instables du Burkina Faso ou du Niger, deux pays où la présence de groupes djihadistes est fortement ancrée.
Cette attaque souligne une fois de plus l’urgence d’une coordination régionale accrue pour contrer cette menace transfrontalière.
La coopération militaire du Bénin avec la France : un pari risqué ?
Contrairement à la plupart des pays de la région, le Bénin maintient une coopération militaire étroite avec la France.
Dans sa récente intervention en France, Emmanuel Macron a vanté une « nouvelle relation » avec le Bénin, qualifiant ce partenariat de « stratégique » et « désinhibé ».
Pourtant, cette coopération suscite des doutes, notamment en raison des échecs attribués à la France dans ses anciennes colonies sahéliennes, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui l’ont massivement rejetée.
Même la Côte d’Ivoire, longtemps considérée comme un bastion de la présence française en Afrique, a annoncé son départ concerté avec Paris début janvier 2025.
Le Tchad, autre pays du Sahel et le Sénégal, jadis partenaire stratégique de Paris en Afrique de l'ouest ont tous deux choisi de dénoncer les accords militaires liant leurs pays respectifs à la France.
Le Bénin semble donc aller à contre-courant, ce qui alimente les critiques des membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui accusent parfois le Bénin de connivence avec la France.
Ces tensions rendent toute éventuelle coopération militaire avec l’AES complexe, voire improbable à court terme.
Le modèle togolais : une alternative crédible
Face à ces défis, le Bénin pourrait s’inspirer du Togo, qui a su naviguer avec habileté entre les grandes puissances et ses voisins sahéliens.
Le Togo collabore efficacement avec les pays de l’AES, leur offrant un accès privilégié à son port et menant des initiatives conjointes de sécurité.
En mai 2024, le Togo a participé à des exercices militaires avec l’AES et le Tchad dans le cadre de l’opération « Tarhanakale », visant à renforcer la résilience régionale face au terrorisme.
Cette approche inclusive et pragmatique pourrait constituer une feuille de route pour le Bénin, qui doit impérativement renforcer sa coopération avec ses voisins sahéliens pour espérer contenir l’expansion des groupes terroristes.
Un tournant stratégique pour le Bénin
La création de la Garde nationale et les efforts du gouvernement béninois montrent une volonté de s’adapter à la menace.
Cependant, cette attaque de Karimama rappelle brutalement que le Bénin ne peut pas affronter seul une telle hydre.
Une intégration plus profonde avec l’AES pourrait offrir des perspectives nouvelles pour une lutte commune contre le terrorisme.
Le choix du Bénin de maintenir une coopération militaire avec la France doit être réévalué à la lumière de son efficacité réelle et des tensions qu’il engendre avec ses voisins.
Si la tragédie de Karimama doit servir de leçon, c’est celle de l’urgence de bâtir des alliances locales solides pour faire face à une menace qui dépasse les capacités d’un seul pays.
Comments